Ce samedi 22 août 2020, un des membres de PROFFAC a été agressé par un groupe de jeunes identifiés comme « Pomba Solution », alors qu’il participait à l’assainissement de la ville avec ses pairs. La journée a commencé tranquillement dans le quartier « Essence Major Vangu », commune d’Ibanda, ville de Bukavu, dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo. Les jeunes, parmi lesquels Gloire notre activiste, dégagent des ordures qui traînent dans la ville, car non gérées par les services de l’État dans ce quartier. Un marché est là et tous les déchets sont jetés à même le sol. Il y a donc une grande quantité à ramasser. Ce qui est fait par les jeunes. Ils ne sont pas les seuls. Vers 14h00 ils vont jeter les ordures sales et mouillées, transportées sur un pousse-pousse (sorte d’engin de transport de marchandises à deux roues et se déplaçant par la force des bras). C’est alors qu’un autre groupe je jeunes, identifiés comme « Pomba Solution » s’en prennent à Gloire et son groupe, lui reprochant de faire le travail de nettoyage à leur place. Il s’ensuit alors une agression physique à sa personne. Des outils sont utilisés pour le frapper. Il est torturé par la bande qui va s’en prendre aussi à une jeune dame commerçante qui voulait les raisonner. Résultat des courses : Gloire a des contusions, le bras droit cassé, des ecchymoses, des écorchures et quelques plaies. Il est conduit aux urgences, car il a très mal. Il va y passer la nuit. Heureusement, le pronostic vital n’est pas engagé et il est suivi médicalement.
Que s’est-il passé ?
La ville de Bukavu, jadis appelée Costermansville jusqu’en 1952 est située au bord du lac Kivu. C’est une paisible agglomération de 250.000 personnes, sans compter les habitants de nombreux villages qui se développent autour d’elle. Elle a un bon climat apprécié des touristes étrangers. Elle est très animé et possède de nombreux beaux quartiers. Le parc ne Kahuzi-biega n’est pas loin non plus. On peut y accéder par route, par avion via le petit aéroport de Kavumu et même par voie lacustre. La rivière Ruzizi fait office de frontière naturelle avec le Rwanda, vers sa partie est. La ville en soi est une carte postale.
Pourtant, un aspect assombrit cette vision idyllique dans certains quartiers. En effet, les immondices jonchent le sol dans différents quartiers de Bukavu. Dans les abords des marchés ou des points de vente les longs des rues, les déchets sont visibles. Des papiers par-ci, des boites en plastique ou en métal par là, des légumes abandonnés, tout traîne par terre parfois depuis des jours. Les services de l’ Etat ne sont pas suffisamment équipés pour ramasser les ordures. En plus certaines rues n’étant pas asphaltées, la boue traîne à des nombreux endroits. Cette saleté contraste avec la beauté de certaines maisons privées à l’architecture moderne qui se construisent depuis quelques temps.
Les habitants se rendent bien compte que cela ne doit pas durer. Des concertations se font dans les quartiers afin de résoudre ce problème insalubrité. Les autorités de la ville s’y mêlent aussi. Elles conviennent d’organiser par quartier, des journées d’assainissement exécutées par les habitants. Des nombreux jeunes prennent conscience et se mettent en grand nombre à y participer. Cela se passe les samedis. Ces travaux collectifs ont pour nom « Salongo ». Ce nom est hérité des travaux civiques communautaires réalisés de manière obligatoire à la fin des années 70, sous la présidence de Mobutu.
C’est alors que les jeunes du quartier Major Vangu/Essence se mettent, ce samedi 22 août 2020, à nettoyer les rues du quartier. Ils ramassent des dizaines de kilos d’ordures, parfois dégoulinant. Il y a du tout, des sachets aux poissons pourris.
Vue du quartier Maj. Vangu /Essence |
Tout cela doit être transporté sur les pousse-pousse. Cela tombe bien, les jeunes en ont loué deux de fortune, fabriqués en bois, pour ce transport de déchets. Ils font plusieurs rotations vers le dépotoir du quartier, où ils seront incinérés.
Les pousse-pousse |
Les jeunes ont fini leurs travaux dans les environs de 14 heures. Certains vont rendre les engins de transport loués. En cours de route, ils sont menacé par un autre groupe de jeunes. Ceux-ci sont pour la plupart body-buildé. Ils sont reconnaissables par leurs gros bras et leurs pectoraux travaillés. Ilse font appeler « Pomba » (hommes forts, en lingala populaire). Ces derniers interpellent les jeunes de Vangu avec des menaces, leur reprochant le fait d’avoir nettoyé dans « leur quartier ».
Voyant le groupe qu’il guide en train d’être menacé, Gloire M. intervient pour demander ce qu’il se passe. Sans attendre, comme s’il s’agissait d’une embuscade, un des ces « Pomba » l’agresse à la fois avec des poings et des gros bâtons. Les autres le mettent par terre et continue de le frapper. Certains lui volent ses biens.
Une agression d’une rare brutalité
Pendant que Gloire est brutalisé, une jeune fille s’approche pour dissuader les agresseurs, elle aussi est prise à partie. Elle est aussi blessée. L’activiste écologiste Gloire est un pacifiqique. Cela ne lui aurait pas fleuré l’esprit de faire la bagarre. Il ne s’attendait pas s’être attaqué de la sorte, visiblement sans raison particulière. Lui qui a toujours participé dans les actions pour le bien-être commun n’a pas d’ennemi connus. Pourquoi alors cette attaque brutale ? Il n’a pas de réponses à l’instant. Mais il reconnaît ceux qu’on appelle « Pomba ». Ces dernier ont une petite réputation à Bukavu par leurs expéditions punitives, des agressions et des tortures. Des voix ont commencé à se lever contre les actions de ces hommes de mains, qui travaillent pour la plupart, comme vigiles.
Dans les heures qui ont suivi, Gloire a été conduit à l’hôpital car, il sentait des douleurs immenses dans tout le corps. Il avait des hématomes, des ecchymoses, le bras doit cassé dont l’avant-bras tuméfié et des blessures.
Une question reste posée : quel est le mobile de cet acte d’une brutalité sauvage ? Certains habitants émettent des hypothèses mais rien ne se justifie, à moins que les barbouzes sentent leurs intérêts menacés. De quoi se demander en quoi cela peut les gêner que d’autres jeunes nettoient les rues, puisque c’est dans l’intérêt de tous.
La nouvelle de cet attaque barbare se répand comme une traînée de poudre
Tout le quartier Vangu se mobilise et manifeste spontanément pour manifester leur colère face aux agissements des « Pomba ». Parmi eux, le trouve Cirhuza, le frère aîné de Gloire. Il est tellement en colère qu’il voulait en découdre avec les agresseurs de son frère. Gloire l’en dissuade et surtout lui interdit de porter des outils contondant ou des armes blanches. Il connaît le caractère dur de son aîné.
Tant qu’à faire, une grande mobilisation spontanée se crée autour de rond-point giratoire de la place Major Vangu. La route principale est barricadée et un appel à la neutralisation des actes des Pomba fait avec des banderoles ou des cris. La police intervient, mais elle est vite débordée. La route principale très fréquentée par le trafic local est toujours barricadée. Les jeunes ne veulent rien entendre des appels de la police. Ils en appellent à l’intervention des autorités administratives. c’est alors que le Maire de la ville de Bukavu en personne se rend sur place. Il réussit à raisonner les jeunes en colère. Ceux-ci libèrent alors la route.
Après cela le Maire se rend au chevet du bléssé pour le réconforter et s’assurer qu’il est bien soigné. Il se rend compte que Gloire est sérieusement arrangé, mais sa vie n’est pas en danger. Il est parti cependant pour quelques semaines d’incapacité. Il reste à savoir s’il va retrouver l’usage normal de son bras ou s’il aura des séquelles. Au cinquième jour de l’agression, Gloire est toujours hospitalisé.
Ce qui est plus grave encore, depuis son lit d’hôpital, il reçoit tous les jours des menaces de mort sur son téléphone.
Un message qui ne passe pas
Gloire a créé une Start-Up « Jambo World Plus« . Sur la page facebook les soutiens publient une annonce expliquant brièvement la situation de l’agression. Il y est écrit notamment : «il a était torturé, tabassé, cassé la main droite et confisqué ses biens durant la journée samedi 22 Août 2020 à 14h12 heure de Bukavu, chez lui à l’Essence Major Vangu par des personnes bien identifiées communément appelées POMBA SOLUTION qui sème la terreur dans la ville de Bukavu ayant comme habitude torturer les gens dans la ville de Bukavu disant qu’ils sont autorisés par les services étatiques.»
C’est alors que le porte-parole de « Pomba Solution » présenté comme un mouvement associatif des sportifs se fend d’un message où il fustige le frère de Gloire. En effet, ce mouvement lui reproche de «d’être
le fils du chef de quartier essence et de se faire passer comme le
titulaire à ce poste en s’appuyant abusivement sur les actions non
productives et le combat contre le développement et l’assainissement de
la zone où il est sensée vivre et tel que voulu par l’autorité
provinciale»
Nulle part dans ce nouveau communiqué, il parle de l’agression de Gloire attribuée aux « Pomba ». Il prend en temoin la population sur les menaces dont ils seraient l’objet tout en
remerciant les jeunes de pomba solution pour leur humble comportement [SIC]. Il informe également la population qu’ils ne sont que des jeunes qui »
travaillent dur, pour le présent et construisent le futur meilleur ».
Étonament, le même porte-parole des « Pomba Solution » regroupés au sein de l’association
POSOPASED-RDC vient à nouveau ajouter ce commentaire où il condamne enfin, trois jours après l’agression :
Ce communiqué intérroge sur l’intérêt de ce groupe à demander justice alors qu’il leur est reproché des faits graves de violences physique ayant entraîné une incapacité physique de la victime. Entre-temps cette dernière reçoit des mecances de mort sur son lit d’hôpital.
Une pétition a été lancée et, à ce jour, a obtenue plus de 1000 signatures afin des mettre fin aux actes de violences reprochés à des groupes de personnes envers les citoyens.
A l’heure où nous publions ces lignes, Gloire est toujours hospitalisé.
Bras droit de Gloire après l’attaque |
Nous osons croire que la ville touristique de Bukavu retrouvera sa quiétude parès ces incidents à répétition.